Pour une gestion publique de l'eau à laquelle les usagers-citoyens puissent comprendre quelque chose...

dimanche 29 mars 2009

L'eau sur Terre : des chiffres qui tuent?

Après le Forum mondial de l’eau d'Istanbul : il y a obligation de penser et d’agir ensemble.

C’est désormais un truisme que de décliner la gestion de l’eau comme une problématique majeure en ce début de XXIe siècle. Politiciens, scientifiques, associations et autres journalistes ont fait pot commun autour de la thématique générale et ambitieuse Bridging Divides for Water, (établir des passerelles entre nos divergences), à Istanbul.

Quelques chiffres explicites permettent de poser le débat sur les bases communes d’une objectivité a minima afin de pouvoir mesurer l’ampleur colossale du problème soumis à l’humanité toute entière.

http://colsteanne.ifrance.com/sitewebidd5c/besoins-en-eau-potable.jpg

Parmi les chiffres effarants :

• de 900 millions à 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable ;
• 2,5 milliards n’ont pas d’installations d’assainissement (85% des eaux usées sont rejetées directement dans la nature);
• 8 millions d’humains décèdent annuellement à cause du stress hydrique, soit 10 fois plus que les guerres;
• 8% de l’eau douce sont consacrés aux usages domestiques, 22% à l’industrie et 70% à l’agriculture.
• En matière de disparité, il faut se rappeler qu’un Californien consomme 600 litres d’eau par jour, un Japonais en consomme 350, un Européen 200, alors qu’un Africain n’en consomme qu’entre 10 et 20 litres.

N'oublions pas encore les travaux de Tony Allan, concernant la notion désormais fondamentale d’eau virtuelle -celle qu’on ne voit pas mais que l’on consomme- ce qui renvoie aux quantités d’eau nécessaires à la production d’un bien de consommation, qu’il soit alimentaire ou industriel [1].

Water-beef_large

Et tout cela ne prend pas en compte l’immense gabegie de la précieuse ressource, notamment dans le domaine agricole [2], qui confère à cet ensemble de chiffres un aspect parfaitement vertigineux.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes et nous renvoient à la notion d’injustice poussée à son paroxysme par le mésusage absolu de l’eau. Si personne n’osera contester ces données, soulignons toutefois que chacun devrait impérativement les mémoriser afin que cela influence la gestion quotidienne de sa propre consommation hydraulique.

Il ne faut plus attendre d’avoir soif pour apprendre l’eau [3] car l’humanité ne peut plus se le permettre. Alors que des millions d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants, consacrent plus de trois heures par jour à recueillir le précieux liquide, d’autres ne mesurent même plus l’aspect vital de ce dernier, et ont des comportements façonnés par une irresponsabilité quasi criminelle dans les cas les plus extrêmes.


Dans ce sens, il est parfaitement légitime de se projeter dans l’avenir, notamment lorsque, parvenus au milieu de ce siècle nous serons 9 milliards d’êtres humains à peupler la planète, alors que la demande en eau devrait croître de 64 milliards de m3 par an, selon les prévisions faites par l’ONU.

Il y a là une source importante de contentieux entre les peuples, qui peut, à l’évidence, engendrer nombre de conflits ouverts liés à la conquête du liquide vital. L’homme doit se raisonner afin que les solutions soient négociées le plus en amont possible pour devancer les tensions qui pourraient se faire irréversibles. À titre d’exemple, la situation au proche-orient reste emblématique et illustre avec vigueur le propos [4]. Ainsi Mahmoud Abbas a-t-il rappelé, dans un message délivré à l’attention des participants au forum d’Istanbul, que ce problème aigu ne peut attendre la signature d’un accord de paix tant la conjoncture en Palestine est préoccupante. Un Israélien consomme 4 fois plus d’eau qu’un Palestinien. Lorsque la Palestine sera un État à part entière, elle ne manquera pas de ratifier la convention de l’ONU de 1997 (ce que la France n’a pas encore fait) sur les cours d’eau transfrontaliers, texte à ce-jour encore inappliqué[5].

La gestion de la ressource première oblige enfin à aborder le sujet particulièrement épineux de la corruption dans le domaine de l’exploitation de l’eau. Point notamment développé par le rapport mondial des Nations Unies -3e édition- intitulé « l’eau dans un monde qui change »[6] qui indique que, dans certains pays, 30% des budgets consacrés à l’eau feraient l’objet de détournements.



En outre, la corruption a pour conséquence directe de grever les investissements prévus pour atteindre les « Objectifs du Millénaire » pour le développement relatif à l’eau dont le coût total est évalué à 50 milliards de dollars.

Bien évidemment, les débats se seront aussi attardés sur le réchauffement climatique de la planète, élément qui ne pourra avoir que des conséquences délétères supplémentaires sur un avenir déjà bien sombre quant à la gestion de la ressource en eau. S’il est une chose acquise, c’est que ce liquide ne pourra que se faire de plus en plus rare et précieux dans un avenir proche.

Il convient à chacun de réaliser cela, notamment nous, devenus des "nantis hydriques"! Sans plus attendre, il est de toute première importance que nous réalisions l’urgence de la situation afin de sortir du mythe de l’abondance dans lequel nous avons grandi, de mesurer que chaque jours des milliers d’êtres périssent par manque d’eau, alors que d’autres pataugent dans des piscines individuelles assassines. Notre relation à la ressource en eau doit être totalement modifiée et replacée dans une perspective globale. S’il est un bien commun que nous devons apprendre à gérer et à partager au mieux, c’est bien l’eau, cette pierre angulaire du vivant.

D'après http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=53402

[1] La notion d’eau virtuelle :
http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag/eh/f/cause/lectures/le_concept_d%27eau_virtuelle.htm
http://www.larecherche.fr/content/recherche/article?id=23495

[2] http://blog.mondediplo.net/2008-02-01-Eau-agriculture-et-pollution-espoir-ou-impasse

[3] En rapport avec les propos d’Émilie Dickinson « c’est par la soif qu’on apprend l’eau »
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/dickinson.html

[4] L’appropriation des ressources hydrauliques par Israël
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=6151

[5] La "Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation" a été adoptée par l'assemblée générale des Nations unies en mai 1997. Pour entrer en vigueur, ce texte doit être ratifié par 35 Etats. Seuls 16 l'ont fait à ce jour.
http://www.romandie.com/infos/news2/090309140805.h52h2vqi.asp

[6] Rapport mondial « l’eau dans un monde qui change », présenté en introduction au Forum d’Istanbul par le directeur général de l’UNSECO, Koïchiro Matsuura.
http://cdurable.info/L-eau-dans-un-monde-qui-change-Chiffres-cles-du-rapport-des-Nations-Unies-2009,1590.html

lundi 23 mars 2009

Forum d'Istanbul : un coup d'épée dans l'eau?

La mobilisation politique en cale sèche titre Le Point. Les extraits de l'article paru sur le site de l'hebdomadaire sont éclairants : on était venu à Istanbul pour traiter des politiques de l'eau au niveau international mais des freins efficaces ont été posés afin que l'on s'en tienne à la recherche de la satisfaction des besoins humains (domaine où peut se manifester la compétence des grandes entreprises privées) et qu'on ne débouche pas sur une coopération internationale visant à satisfaire un droit essentiel de l'humanité (ce qui obligerait à agir, sous l'égide de l'ONU, pour qu'au-delà du besoin affirmé, l'eau ne puisse être exploitée comme un bien marchand).

"Une semaine de débats intenses pour une issue décevante. Le Forum mondial de l'eau s'est conclu sur une déclaration finale timide, qui se refuse notamment à faire de l'accès à l'eau un droit fondamental. Dimanche, lors de la journée mondiale de l'eau, la cession ministérielle s'est conclue sur une déclaration finale timide, qui se refuse notamment à faire de l'accès à l'eau un droit fondamental.

Un rapport des Nations unies avait pourtant tiré la sonnette d'alarme avant le début du Forum : la croissance démographique, l'évolution des modes de consommation et le réchauffement climatique vont provoquer une pénurie d'eau et d'importants déplacements de populations dans les décennies à venir. Les enjeux étaient posés, restait à en tirer les conséquences.

À Istanbul, les débats ont mis en évidence les liens étroits entre eau et énergie ou la nécessité d'améliorer l'assainissement en même temps que l'accès à l'eau potable (80 % des maladies des pays en développement sont liées à l'eau). Les coopérations transfrontalières pour la gestion de la ressource ont aussi été évoquées, provoquant quelques vifs échanges entre les représentants turcs et syriens.

Le Forum, qui n'est adossé à aucune institution internationale, n'a pu prendre une nouvelle dimension. Salon professionnel à l'origine, l'événement est organisé par le Conseil mondial de l'eau, présidé depuis 2000 par un Français, Loïc Fauchon, qui est aussi le président de la Société des eaux de Marseille, dont la gestion vient de tomber à 100 % dans l'escarcelle de Véolia.

La ville de Marseille est d'ailleurs candidate, avec Durban, pour accueillir la prochaine édition du Forum dans trois ans. Malgré le nombre élevé de participants rassemblant tous les acteurs de l'eau, le rendez-vous a raté le coche du politique et cherche encore à s'intitutionaliser. "Il manque une véritable organisation des Nations unies pour l'environnement à laquelle le forum puisse s'adosser. Certains pays seraient alors plus impliqués et plus enclins à lâcher du lest sur les problèmes liés à l'eau", explique-t-on dans les milieux diplomatiques français.

L'issue du forum a d'autant plus déçu que l'eau devient un enjeu de plus en plus politique. Action contre la Faim a jugé "surprenant, voire incohérent" que le droit à l'eau ne soit pas mentionné dans la déclaration finale alors que certains pays l'ont déjà reconnu ou intégré à leur Constitution. "C'est un outil essentiel pour responsabiliser les États", insiste l'association. Les militants des organisations les plus protestataires ont été refroidies d'entrée par une répression policière contre les manifestants venus protester lors de la cérémonie d'ouverture. Une manifestante allemande et une Américaine ont été expulsées dans la foulée par les autorités turques".

http://www.lepoint.fr/actualites-monde/la-mobilisation-politique-fait-defaut-au-forum-mondial-de-l-eau/924/0/328080

Des manifestants ont pourtant réussi à s'exprimer dans l'enceinte d'une Université. Dans la rue, ils ont été dispersés à l'aide de... canons à eau!

"Istanbul, 21 mars -(MAP)- A deux journées de la clôture du 5ème Forum Mondial de l'eau d'Istanbul (16-22 mars), les "alter-forumistes" avaient ouvert samedi dans la métropole turque leur rencontre de protestation et de dénonciation du "néolibéralisme" et de la "privatisation" des services de l'eau.

Activistes de droits de l'Homme, militants environnementalistes, syndicalistes et militants de mouvements d'extrême gauche, se sont donnés rendez-vous dans l'enceinte de l'université de "Bilgi", à quelques centaines de mètres du site du 5ème Forum Mondial de l'eau.

Le mot d'ordre de ces "militants de l'eau" venus de différents pays à travers le monde entier, est "non à la marchandisation de l'eau".

"La rétrogation des citoyens au rang de clients est un désastre, surtout pour les plus pauvres parce qu'elle les exclut, les marginalise", a souligné à l'ouverture de "l'anti-forum de l'eau", l'économiste espagnol Pedro Arrojo;3

http://www.aufaitmaroc.com/fr/actualite/monde/article/le-5eme-forum-mondial-de-leau-distanbul-les-alter-forumistes-se-manifestent/

Alors, une énième manifestation qui tombe à l'eau? Nous aurions tort de penser que tous ces efforts sont inutiles! La politique se trouve dans des rapports de force. Il est apparu, à Istanbul, que la lutte pour un droit à l'eau saine et potable est un droit qu'on peut conquérir face à la rapacité des géants de l'exploitation de cette ressource ô combien lucrative. Ce n'est pas gagné. C'est loin d'être perdu! L'avenir est en bleu.


Le Nu bleu d'Henri Matisse (1992)

dimanche 22 mars 2009

L'eau : un besoin ou un droit? Désaccord à Istanbul.

L'accès à l'eau est-il un "droit" ou un simple "besoin" fondamental ? La question fait l'objet de très vifs débats au 5e Forum mondial de l'eau à Istanbul où les politiques sont rentrés en scène sur un constat de désaccord, à propos du contenu de la déclaration finale, qui doit être publiée dimanche, 22 mars, Journée mondiale de l'eau. (site officiel : http://www.unwater.org/worldwaterday/index_fr.html)!

Selon l'AFP, une réunion ministérielle se poursuivait samedi, 21 mars, à Istanbul ,pour tenter de trouver un accord sur une déclaration à l'issue du 5e Forum mondial de l'eau, dont nombre d'ONG et d'États redoutent qu'elle ne manque d'ambition face la "crise de l'eau". Ce document, qui doit être publié dimanche, 22 mars, et être signé par une centaine de pays, marquera l'épilogue d'un Forum qui a rassemblé plus de 25.000 personnes pendants sept jours.

Il énumère un certain nombre d'engagements: mieux gérer la demande en eau, en particulier dans le secteur agricole (70% de la consommation mondiale), favoriser l'accès à l'assainissement dont 2,5 milliards de personnes sont encore privées, ou encore lutter contre la pollution, des cours d'eau comme des nappes phréatiques mais un article du projet de déclaration, qui stipule que l'accès à l'eau potable est un "besoin" humain fondamental, et non pas un "droit" comme le réclament plusieurs pays, est au cœur de débats animés depuis deux jours.

Au-delà du contenu de ce texte, le fonctionnement même du Forum a fait l'objet vendredi de vives critiques de la part de certains mouvements associatifs. Maude Barlow, cofondatrice de l'ONG canadienne Blue Planet Project, a estimé qu'il ne laissait pas de place aux voix dissidentes et réclamé qu'il soit placé sous l'égide des Nations unies. "Nous exigeons que l'allocation de l'eau soit décidée dans le cadre d'un forum ouvert, transparent et démocratique plutôt qu'une foire commerciale pour les grands groupes mondiaux", a-t-elle expliqué au cours d'une conférence de presse.

Le Français Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l'eau, co-organisateur de l'événement avec la Turquie, (et président de la Société des eaux de Marseille, cogérée par Véolia et Suez, rappelons-le!) a vivement rejeté ces critiques. "Tout le monde est invité et d'ailleurs, maintenant, tout le monde vient", a-t-il expliqué, au cours d'une conférence de presse. "S'il est organisé par les Nations unies, il perdra son caractère ouvert à tous", a-t-il jugé.

L'eau, besoin fondamental ou droit fondamental.

Le texte bute donc sur un mot. La dernière version du projet de déclaration, négocié depuis de longs mois, stipule que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est un "besoin humain fondamental", et non pas un "droit". "La différence est fondamentale !", explique Anil Naidoo, de l'ONG BluePlanet Project. Légalement, un "besoin humain" n'a aucune valeur. "C'est enfoncer des portes ouvertes", ajoute-t-il, soulignant qu'au moins 30 pays ont aujourd'hui intégré la notion de droit à l'accès à l'eau dans leur constitution.

"Pécadilles de juristes" penseront certains. Mais attention certains mots ont du poids. Entre l'eau, "besoin fondamental" et l'eau, "droit humain et social", il y a une marge. La première définition est un constat : l'eau est nécessaire à la vie, sans aucune extrapolation ou – juridiquement parlant – "interprétation" possible. Nous, êtres humains, avons besoin d'eau pour vivre, un point c'est tout. Tout au plus un souhait : "Nous, êtres humains, devons avoir suffisamment d'eau pour vivre"...

Mais les choses sont différentes dès lors que l'on considère l'eau comme un droit humain et social. Là, subitement, la notion se trouve associée à toute une série d'obligations et de responsabilités (de la part des États notamment). Alors, de là à penser que c'est à bon escient que le rapport de la Commission Mondiale se limite à évoquer un "besoin de base" (avec en plus l'ultime réserve du "coût raisonnable", il n'y a qu'un pas). Comme l'explique Riccardo Petrella, fondateur et secrétaire du Comité pour le Contrat mondial de l'eau, présidé par Mario Soares, auteur du Manifeste de l'eau : "Considérer l'eau comme un droit aurait entraîné des obligations et des restrictions trop contraignantes pour la "liberté" des acteurs, notamment privés."

http://www.librairiepantoute.com/img/couvertures/9782762129236.jpg

Comme quoi, c'est toujours, le même conflit politique qui surnage : peut-on, ou non, confier les intérêts supérieurs de l'espèce humaine, aux entreprises ayant comme finalité de réaliser des profits pour leurs dirigeants et leurs actionnaires?

http://www.h2o.net/magazine/enjeux-conferences/l-eau-besoin-fondamental-ou-droit-de-l-homme.htm

Logo de la journée mondiale de l’eau

Rappel : l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 22 décembre 1992 la résolution A/RES/47/193 qui déclara le 22 mars de chaque année "Journée mondiale de l'eau", à compter de l'année 1993, conformément aux recommandations de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), exprimées dans le Chapitre 18 (Ressources en eau douce) d'Action 21. Cette résolution invitait les États à consacrer ce jour selon le contexte national, en concrétisant des actions telles que la sensibilisation du public par des publications, des diffusions de documentaires, l'organisation de conférences, de tables rondes, de séminaires et d'expositions liés à la conservation et au développement des ressources en eau et à la mise en œuvre des recommandations d'Action 21.

samedi 21 mars 2009

L’eau, enjeu du 21ème siècle


"Le Parlement européen, dans sa délibération du 12 mars, demande à la présidence en exercice de représenter l'Union au Forum d'Istanbul avec pour mandat...
de considérer l'accès à l'eau potable comme un droit vital, fondamental de l'être humain et non uniquement comme un bien économique soumis aux seules règles du marché"!
Les députés européens croient-ils ce qu'ils ont voté?
Voir la déclaration annexée à ce blog ("en savoir plus"). Article 29.
Source : http://www.europarl.europa.eu/news/public/story_page/064-4911-100-04-15-911-20070329STO04903-2007-10-04-2007/default_fr.htm

Chute d'eau

Le célèbre roman de science-fiction « Dune » va-t-il bientôt devenir réalité ? L’eau y est rare et précieuse, sur une planète désolée : un scénario imaginé par Frank Herbert en 1965, qui pourtant est aujourd’hui dangereusement crédible. Plus d'un milliard de personnes sur terre n’ont pas accès à l’eau potable, et ce chiffre pourrait atteindre les 3 milliards dans moins de 20 ans. A l'occasion du 5ème Forum mondial de l'eau à Istanbul, les députés européens se sont saisis de la question.

Le 12 mars dernier, les députés européens ont adopté une résolution dans la perspective du 5ème Forum mondial de l'eau, qui se tient à Istanbul du 16 au 22 mars 2009. Car si 71% de la surface du globe est constitué du précieux liquide, la pénurie en eau potable se fait sentir partout.

L’eau, c’est d’abord la vie

L’eau est indispensable à la vie sur la planète, et pourtant un ensemble de facteurs en réduisent toujours plus la disponibilité : croissance démographique, production agricole (qui absorbe 70% de notre consommation en eau), pauvreté, mauvaise gestion des ressources en eau ou troubles politiques. Les ressources en eau potable se raréfient sur terre, alors que les besoins s’accroissent. On estime actuellement que les eaux malsaines ou polluées sont responsables de 80% des maladies et décès des pays en voie de développement.

Or, selon les prévisions, ce tableau devrait à l'avenir encore se noircir : le changement climatique devrait en effet accroître la désertification, notamment en Afrique, et les « migrations de l’eau » vont se développer, les hommes se déplaçant vers des lieux où l’eau est accessible.

Est-il temps de modifier nos comportements ? Chaque terrain de golf en Espagne absorbe annuellement l’équivalent en eau de la consommation d’une ville de 12 000 habitants et un enfant naissant dans le monde développé consomme entre 30 à 50 fois plus d’eau qu’un enfant des pays en voie de développement. De quoi nous faire réfléchir…

Conscients du problème, les députés européens ont adopté une résolution en octobre 2008. Ils ont appelé de leurs vœux un travail commun des Etats membres pour économiser le précieux liquide. A cette occasion, l'Autrichien Richard Seeber (membre du Parti populaire européen - PPE-DE) a rappelé qu'un tiers des Européens vivent dans des régions faisant face à des problèmes de pénurie d'eau.

Le 12 mars dernier, le Parlement européen a également demandé à la Commission européenne de lui présenter un programme favorisant la prise de conscience dans l'Union européenne et ses pays partenaires.

Bientôt des « conflits de l’eau » ?

L'eau est devenue une ressource stratégique. On considère qu'aujourd'hui, 2,8 milliards de personnes vivent dans des régions qui pourraient connaître des tensions du fait de l'accès à l'eau potable. En 2030, ce chiffre pourrait atteindre 3,9 milliards. Certains experts prédisent d'ores et déjà que les guerres du futur n'auront plus pour déclencheur l'accès au pétrole, mais bien l’accès à l’eau. C’est d’ailleurs déjà le cas dans certaines régions du monde, et en particulier entre des pays qui partagent un même fleuve ou une même rivière. Les pays situés en amont du courant peuvent potentiellement couper l’accès à l’eau des pays situés en aval du même fleuve.

Les eaux du Nil traversent par exemple 9 pays, avant de se jeter dans la mer Méditerranée. Le pays le plus en aval, l’Egypte, en dépend totalement puisqu’il ne pleut quasiment pas. Avec la croissance démographique, l’eau peut-elle manquer si les pays en amont, comme l’Ethiopie ou le Soudan, puisent toujours plus des eaux du Nil ?

De même avec les rivières du Tigre et de l’Euphrate. Les eaux s’écoulent d’abord en Turquie, puis en Syrie et en Irak. Un projet turc prévoit de construire 22 barrages et 18 centrales hydrauliques le long de ces rivières : selon certains commentateurs, ce projet pourrait réduire la quantité d’eau accessible de 40% pour la Syrie et de 80% pour l’Irak ! Quelles peuvent être les conséquences géopolitiques d’un tel bouleversement ?

Des députés qui s'engagent

La résolution adoptée par le Parlement européen le 12 mars, considérant que la distribution d'eau est très inégalitaire alors qu'elle devrait constituer un droit fondamental et universel, qualifie l'eau de bien commun de l'humanité. Les députés refusent ainsi de définir l'eau comme un simple bien soumis aux règles du marché.

Selon eux, un effort substantiel doit être fait en direction des populations les plus touchées. Malgré la crise financière, les Etats membres devraient augmenter leurs efforts en matière d'aide au développement. Sans cela, il sera difficile d'atteindre les Objectifs du millénaire en matière d'approvisionnement en eau potable d'ici à 2015.

A l'occasion du 5ème Forum mondial de l'eau à Istanbul, du 16 au 22 mars, une délégation de députés européens va rencontrer des représentants de la société civile, du secteur privé et des syndicats pour débattre de ces questions. Par ailleurs, le Parlement européen a accueilli, en février dernier, un grand évènement sur ces thématiques intitulé « Faire la paix avec l'eau ». Mikhaïl Gorbatchev et le Prince Albert II de Monaco étaient notamment présents.

« Le 21ème siècle sera celui de l'eau ou ne sera pas », serait-on tenté de dire pour parodier Malraux…

lundi 16 mars 2009

Bien public ou marchandise ? L'eau n'est pas du Coca-Cola : une initiative suisse


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Le symposium de la Coordination suisse «L'eau comme bien public» s'est tenu le 6 mars à Berne. C'est là qu'on a lancé le slogan : "l'eau n'est pas du Coca-Cola!" (1). Ce symposium était l'une des préparations, en vue du 5e Forum mondial, du 16 au 22 mars à Istanbul (Turquie) et de la Journée internationale de l'eau, le 22 mars.

Car c'est parti : le 5ème forum Mondial de l'eau (thème "Établir des passerelles entre nos divergences sur l'eau") s'est ouvert, à Istanbul par un discours du Président turc: Abdullah Gul. Quelque 15.000 personnes sont attendues pour tenter de trouver des réponses à la crise de l'eau, provoquée d'abord par une hausse vertigineuse de la demande. Après Marrakech, La Haye, Kyoto et Mexico, ce 5e Forum mondial de l'eau, qui se tient tous les trois ans, s'ouvre sur un constat alarmant: la croissance démographique, l'évolution des modes de consommation alimentaire et les besoins accrus en énergie font peser sur l'eau une pression croissante. Les effets du réchauffement climatique devraient contribuer à accentuer ce phénomène: plusieurs dizaines de millions de personnes pourraient être contraintes de migrer pour des raisons liées à l'eau.

La délégation française emmenée par le ministre français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire Jean-Louis Borloo et la secrétaire d’Etat à l’écologie Chantal Jouanno comptera cette année 300 personnes. Elle emmènera dans ses bagages les propositions préparées par le Partenariat français pour l’eau (PFE) qui regroupe les acteurs français publics et privés du secteur que sont l'État, les collectivités locales, l'Agence française de développement, les agences de l'eau, les entreprises, les organisations scientifiques et de recherche et les organisations non gouvernementales.

La question n'a pas, cette fois, semblé suffisamment importante à Nicolas Sarkozy pour qu'il participe à la conférence des chefs d'État! Le Partenariat français pour l’eau a présenté la candidature de la France au prochain Forum prévu en 2012: Marseille est la ville proposée pour accueillir cet évènement (va Société des Eaux de Marseille est détenue à parts égales, 48,83% chacune, par Veolia Eau et Lyonnaise des Eaux France). Après un grand oral prévu en avril, le comité donnera ses résultats en juin prochain. Marseille est en compétition avec l’Afrique du Sud qui propose la ville de Durban.



Chaque jour, nous allons donc aborder, brièvement, une question qui fait débat, ou rapporter des faits que les gouvernements ne veulent pas voir en face alors que le sort de millions et de millions de Terrien est immédiatement concerné! Des citoyens majeurs doivent être informés. Aujourd'hui, quelques points de repère, majeurs, qui déterminent toute politique de l'eau :

• 1,2 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable dans le monde. Selon les prévisions de l'ONU, ce chiffre pourrait doubler en 2025 déjà, soit un tiers de l'humanité.

• L'agriculture consomme 70 à 80% de l'eau mondiale. Près de 60% des ressources utilisées se perdent à cause de l'inefficacité des systèmes d'irrigation.

• L'eau douce ne représente que 2,5% de l'ensemble des ressources en eau de la planète. De plus, les deux tiers de cette infime quantité d'eau douce se présentent sous forme de glace dans les calottes polaires ou les glaciers. Par conséquent, l'eau douce disponible représente moins de 0,5% des réserves en eau de la planète.

• Près de 20% de la population mondiale, soit 1,1 milliard de personnes, n'ont pas accès à l'eau potable et 40% n'ont pas accès aux installations sanitaires de base.

• Les maladies diarrhéiques, comme le choléra, ont augmenté de 35% en 2008 par rapport à 2006, surtout en Afrique subsaharienne, selon la Fédération de la Croix-Rouge. Un chiffre résume ces inégalités criantes: 80% des maladies des pays en développement (diarrhées, choléra...) sont liées à l'eau.

• La question de l'assainissement devrait occuper une place centrale dans les débats: 85% des eaux usées dues aux activités humaines sont évacuées dans la nature sans épuration.

• De 6,5 milliards d'humains aujourd'hui, la population mondiale devrait dépasser 9 milliards en 2050. Suivant ce rythme, la demande en eau devrait augmenter de 64 milliards de m3/an, estime l'ONU.

• Et pourtant, en 2008, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU n'a pas répondu à l'appel du secrétaire général Ban Ki-moon de reconnaître le droit à l'eau et à l'assainissement pour tous. Le conseil a refusé de nommer un «rapporteur spécial» pour le droit à l'eau, se bornant à mandater un «expert indépendant» pour inventorier les pratiques des pays.

• Pour Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l'eau, le temps de "l'eau facile" est terminé. "Depuis 50 ans, les politiques de l'eau dans le monde entier ont consisté à apporter toujours plus d'eau. Nous devons entrer dans des politiques de régulation de la demande", explique-t-il.


Vue par satellite : Istanbul, ville d'eau, à cheval sur deux continents.

(1) http://www.alliancesud.ch/francais/pagesnav/framesE4.htm?T&T_Wr.htm

(2) http://www.swissinfo.ch/fre/infos/suisse_et_le_monde/L_eau_sera_la_premiere_cause_des_guerres_du_21e_siecle.html?siteSect=126&sid=10434701&cKey=1237139736000&ty=st

dimanche 15 mars 2009

Cochabamba, en Bolivie : une "guerre de l'eau" gagnée...

Rien n'est reproductible. Il ne s'agit pas d'un exemple. Il s'agit de savoir ce qui s'est passé, il y a presque dix ans. Cela fait partie de notre culture politique de l'eau.


Il y a neuf ans, à Cochabamba, se déroulait une guerre toute particulière, celle opposant une population ulcérée par la vente de "son" eau à une transnationale américaine, Bechtel, et à un gouvernement déterminé à user de la force pour imposer ses réformes néolibérales.

Comment est née la Coordination de Défense de l’Eau et de la Vie ?
Il y a eu un rapprochement entre deux organisations relativement importantes, la Federacion de Trabadojes Fabriles, regroupant les ouvriers travaillant en usine, et la Fédéracion de Campesinos Regantes de Cochabamba, rassemblant tous les paysans et agriculteurs qui utilisent l’eau pour leur production de manière traditionnelle. Ils se sont alliés sous la menace de cette nouvelle génération de réformes néolibérales qui se développaient en Bolivie et visaient à la privatisation de l’eau. L’organisation est née vers la fin 1999, et très vite il y a eu l’organisation d’un référendum populaire [1] financé par les organisations sociales qui étaient dans cette Coordination.

Pourquoi la population s’est-elle tant impliquée dans ce conflit ?
L’énorme riposte populaire fut en grande partie le résultat de la répression militaire du gouvernement, qui plutôt que s’assoir à un table pour dialoguer avec les personnes concernées a préféré tromper les dirigeants de la coordination, les mettre en prison, les confiner dans d’autres lieux en violation des droits humains fondamentaux.

Comment cette mobilisation spontanée s’est-elle manifestée ?
D’un côté, les gens avaient des revendications locales : "Nous ne voulons pas du modèle libéral, nous ne voulons pas que tout soit privatisé dans notre ville, nous voulons des manières de participer, de discuter et de faire de la politique différentes de celles dont nous disposons ici". Mais à un niveau plus large, il y avait l’idée d’entretenir un état d’esprit de rébellion, la Guerre de l’Eau ouvrant la porte à un cycle de mobilisations sociales sans précédent ayant pour résultat l’accession d’Evo Morales à la présidence de la république.

Quel a été le comportement des médias pendant la révolte ?
Dans un premier temps, les médias appuyaient la version officielle du gouvernement, selon laquelle il y avait à Cochabamba quelques fous qui s’étaient mobilisés, des ultra-radicaux qui détruisaient tout. C’est une version que le gouvernement et la plupart des médias ont maintenu pendant très longtemps. Mais ensuite, quand la force populaire a commencé à envahir la rue, il a été impossible de nier ce qui se passait réellement, parce que quasiment toutes les rues de la ville étaient bloquées, il y avait des barricades partout, des affrontements quotidiens et une omniprésence des policiers et des militaires. A partir de là, les médias ont été forcé de dire la vérité.

Qu’est-ce qui explique ce résultat inespéré, le départ de Bechtel ?
La Guerre de l’Eau a enseigné aux gens qu’ils pouvaient se plaindre, qu’ils pouvaient parler, que pour cela ils n’avaient pas besoin d’un parti politique, et que la force collective qu’ils possédaient était destructive autant que terriblement constructive. C’est pour cela que s’est ouverte une porte en Bolivie, qui a permis de découvrir que la forme des mouvements sociaux est une forme adaptée pour faire de la politique.

Au niveau international, également, il s’est passé des choses importantes. Parce que c’était une des premières victoires, voire, si je ne me trompe, la première victoire du peuple contre une grande transnationale. Tous ceux qui étaient consternés par le fait que le néolibéralisme s’était imposé partout y ont vu un message d’espoir. Ils ont découvert qu’il y avait d’autres formes de lutte, qu’on pouvait gagner, même s’il y avait des morts et des blessés, des gens en prison. Tout cela a crée un puissant mouvement international de soutien, contre la globalisation et les réformes néolibérales. Le soutien de nombreux activistes partout dans le monde a mis une telle pression sur le dos de Bechtel que l’entreprise a finalement décidé d’abandonner la partie et de quitter la Bolivie.

Trois ans après la Guerre de l’Eau, il y a eu la Guerre du Gaz, qui mena à la démission du président Sanchez de Lozada. Est-ce que le conflit de 2000 à Cochabamba a préfiguré celui qui allait se déclencher trois ans plus tard à El Alto ?
Cette expérience de démocratie populaire, qui s’est enrichie énormément pendant la Guerre de l’Eau, a beaucoup marqué les gens. Et il y avait aussi cette vision andine selon laquelle l’eau n’est pas une marchandise, mais une part de la vie, une part de notre vie, et que nous mêmes sommes une part d’elle et qu’elle ne se vend pas. C’est bien sûr resté dans toutes les têtes en 2003.

Que s’est-il passé après la victoire dans la gestion de l’eau ?
Il y a eu une discussion très forte quand il s’est agi de savoir ce qu’on ferait de l’entreprise récupérée des mains de la transnationale, la SEMACA [2]. Il y avait un cadre institutionnel qui était le cadre de l’État et imposait certaines normes, certaines lois, et au final comprenait aussi les lois du capital, et il y avait un autre cadre qui s’était ouvert avec l’insubordination populaire et qui n’était pas étatique, né de la pratique collective. Il y a donc eu une grande discussion pour savoir quel camp l’emporterait.

La Guerre de l’Eau a été une étape très importante pour la Bolivie car elle a annulé des années de néolibéralisme. Et pourtant, ce qui a été décidé finalement, c’est de rester dans une situation intermédiaire, entre l’institutionnalisation étatique et l’utilisation de cette force populaire et du contrôle social, les directeurs citoyens étant élus par le peuple. Le problème est qu’il y a eu très vite des dérives dans la gestion de l’eau, les prévisions de production n’ont pas été remplies.

Encore maintenant, la SEMAPA a beaucoup de problèmes avec ces gens qui m’avaient pas accès à l’eau courante en 2000 et ne l’ont toujours pas. Dans la zone sud, celle qui est plus proche de l’auto-gestion, qui a construit ses puits, il y a beaucoup de gens qui restent sans accès. C’est une vraie préoccupation. Finalement, la guerre de l’eau a surtout été une victoire symbolique contre une transnationale, contre le néo-libéralisme. Mais il reste toujours ce problème amer dans la gestion de l’eau.

Ceci dit, il y a eu des progrès. La majorité de la distribution de l’eau à Cochabamba est gérée par des comités ou des coopératives, plus de 57 %. Quand on compare la gestion de ces comités avec celle - étatique - de la SEMAPA, on se rend compte qu’ils ont des tarifs plus bas et des services de meilleure qualité.



[1] Plus de 50 000 personne ont participé au scrutin, avec une immense majorité de voix opposées à la privatisation.
[2] Servicio Municipal de Agua Potable Y Alcantarillado.
[3] Plus grande entreprise pétrolière d’hydrocarbures du pays au centre d’un scandale dans lequel seraient impliqués des membres du gouvernement et… la CIA.
Source : http://www.article11.info/spip/spip.php?article313

dimanche 8 mars 2009

"L'eau comme objet politique".

Consultez, sur France Culture : "l'eau comme objet politique" (1) et réécoutez l'émission (2) enregistrée le 7 mars, au Phyto Bar, en débat en public, avec Anne Le Strat, adjointe au Maire de Paris en charge de l'eau, Jacques Perreux, président du Conseil Général du Val de Marne et Marc Laimé, auteur du livre : "Les Batailles de l'eau". ( Phyto Bar - 47 Bd St Germain 75005, Paris, Tel : 01 44 07 36 99).

(1) http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/terre_a_terre/fiche.php?diffusion_id=71126
(2) http://ondemand.tv-radio.com/france_culture/TERRE_TERRE/TERRE_TERRE20090307.ram

Livres d'accompagnement :
Manifestes pour l'eau publique, coordination Anne Le Strat, Syllepse, Paris. Documents de la Fondation Copernic - 15 janvier 2009
4e de couverture :
L'eau peut-elle rester la marchandise qu'elle est devenue ? Les auteurs croient précisément l'inverse. Mieux répartie, suivant des règles de service public, elle doit redevenir un bien public, disponible partout et pour tous. L'eau doit être écologique. Préserver la ressource en eau est indispensable pour ne pas sacrifier sur l'autel du profit à court terme les besoins des générations futures. L'eau doit être sociale. Car la solidarité impose de garantir, à tous, l'accès à une eau de qualité. À bas prix. L'eau doit être démocratique. Les usagers, c'est-à-dire nous tous, supportent, par leur facture d'eau, le financement du service, mais ils n'ont leur mot à dire sur rien. Informer et rendre les comptes publics doivent constituer des obligations pour ce nouveau service public de l'eau qu'il s'agit d'inventer.



Marc Laimé, François Cuel et Jean-Louis Vibert-Guigue,
Les batailles de l'eau, Terre bleue, Paris - 24 septembre 2008.
4e de couverture :
Cet ouvrage présente les nouveaux enjeux de l'eau à travers le monde : sécheresse, pénurie, guerre, gâchis, pollution, réchauffement climatique, luttes et solidarités. Il montre, en texte et en photos, comment les inégalités dans l'accès à l'eau peuvent accentuer encore le clivage Nord-Sud et conduire la planète à un désastre. Les Batailles de l'eau, pour une meilleure prise de conscience des enjeux planétaires de l'eau.





jeudi 5 mars 2009

L'assainissement des eaux de Cergy-Pontoise est aussi notre affaire!


La note ci-dessous, datée du 20 février 2009, revêt une importance particulière. Elle attire notre attention sur la nécessité, pour tout usager, de penser, désormais, tout à la fois, distribution et assainissement. L’eau qui ne coule pas de nos robinets est également notre eau. Nous en payons aussi le prix ! Cette note ouvre un nouveau chantier de réflexion : la « délégation de service public » accordée par la CACP à Véolia qui n’est pas, seulement, de 18 ans, via la SFDE et CYO, pour notre eau potable. Elle est aussi de… 30 ans, via Cergy-Pontoise Assainissement, pour nos eaux usées !

http://www.certu.fr/fr/_Ville_et_environnement-n29/Nature_en_ville-n140/IMG/jpg/Cergy_Pontoise.jpg

Le Service d’Assainissement
au sein de la Communauté d’Agglomération De Cergy-Pontoise
.

Le réseau d’assainissement collectif de la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise draine séparément les eaux de pluie et les eaux usées sur le territoire de ses douze communes et les achemine vers la station d’épuration de Neuville-sur-Oise où elles sont traitées, avant leur rejet dans l’Oise. Ce service à caractère public industriel et commercial relève de la responsabilité combinée de trois opérateurs qui viennent d’engager le projet de modernisation et d’extension de cette usine.

I. Les trois acteurs du service d’assainissement.

Le service est exploité par trois opérateurs qui se rémunèrent près des usagers en contrepartie des prestations rendues.
1- Le Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la Région de Pontoise (SIARP).
Créé en 1950, le syndicat intercommunal d’assainissement de la région de Pontoise (SIARP) regroupe actuellement 19 communes de la région de Pontoise, dont les 12 communes de la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise. Il exploite en régie directe ( investissement et fonctionnement ) la collecte et le transport en phase intermédiaire des eaux usées de ses adhérents. La part syndicale SIARP au m3 d’eau consommé s’élevait à 0,4113 euro H.T. au 2ème semestre 2008.



2 - La Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise (CACP).

La CACP exploite en régie directe la collecte et le transport des eaux pluviales et la collecte en phase finale des eaux usées acheminées à la station d’épuration de Neuville-sur-Oise, dont elle est propriétaire et maître d’ouvrage. La part communautaire au m3 d’eau consommé s’élevait à 0,3000 euro H.T. au 2ème semestre 2008.



3 – La société Cergy-Pontoise Assainissement (CPA).

Filiale dédiée du Groupe Véolia, la société Cergy-Pontoise Assainissement exploite en qualité de concessionnaire depuis 1990 la station d’épuration de Neuville-sur-Oise qui traite et épure les eaux avant leur rejet dans l’Oise. La CACP, autorité concédante, a renouvelé le traité de concession avec CPA en 2002 pour une durée de 30 ans, en lui confiant la charge de l’investissement et du fonctionnement de l’usine. Sa rémunération au m3 d’eau consommé s’élevait à 0,3807 euro H.T. au 2ème semestre 2008.

Ces trois opérateurs sont suivis et subventionnés à l’occasion par l’Agence de l’Eau Seine Normandie qui perçoit deux redevances sur la facture d’eau des usagers au titre de la lutte contre la pollution (0,3684 euro H.T. par m3 au 2ème semestre 2008) et de la modernisation des réseaux de collecte (0,2770 euro H.T. par m3 à la même période). Voies Navigables de France encaisse par ailleurs une contribution symbolique (0,0042 euro par m3).

Au total, l’ensemble des rémunérations de ces cinq intervenants constitue le prix du service de l’assainissement qui, fin 2008, atteignait 1,7416 euro H.T. , soit 1,81 euro TTC par m3 d’eau consommé. Cette valeur représentait 54% du prix total du m3 d’eau toutes taxes et redevances comprises figurant, par exemple, sur la facture des usagers des secteurs « ville nouvelle » de Cergy et Jouy-le-Moutier au 2ème semestre 2008.

Station d'épuration de NeuvilleII. Le projet de modernisation et d’extension de la station d’épuration de Neuville-sur-Oise.
Par avenant n°8 du 19 décembre 2007 au traité de concession de 2002, la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise a confié à la société concessionnaire Cergy-Pontoise Assainissement la conception, la réalisation et l’exploitation des nouveaux ouvrages d’extension et de mise aux normes de l’usine de Neuville-sur-Oise, qui est soumise à la législation des établissements classés pour la protection de l’environnement. Par arrêté interpréfectoral du 8 janvier 2009, les préfets des Yvelines et du Val-d’Oise ont autorisé la CACP, maître d’ouvrage, à réaliser ces travaux. Par arrêté du même jour, le préfet du Val-d’Oise a autorisé CPA à exploiter les nouvelles installations après leur réalisation.

Ces travaux ont été imposés pour réduire les rejets des eaux sales dans l’Oise après simple prétraitement sans dépollution, lesquels étaient devenus anormalement fréquents les jours de pluie et de surcharge polluante Le projet d’extension-modernisation permettra de doubler et porter à 400 000 équivalents-habitants la capacité de traitement des eaux avec un bassin de stockage de 10 000 m3 et la création de 13 déversoirs. La mise en eau de la station rénovée est prévue pour le 31 décembre 2011. Elle desservira les 19 communes du SIARP, dont les 12 de la CACP , le syndicat d’assainissement Conflans-Sainte Honorine et Herblay (SIACH), et enfin d’autres communes du syndicat d’assainissement à la carte (SIACARTE) comme Maurecourt par exemple.

Si la nécessité de ces travaux n’est pas contestable, leur importance et leur nature vont bouleverser l’économie du contrat actuel de concession pour plus des deux tiers du temps restant de sa durée. En 2007, l’autorité concédante aurait pu et aurait dû, pour ce motif d’intérêt général, résilier unilatéralement le traité de concession et envisager d’assumer le service en régie directe ou, à défaut, d’imaginer une formule l’impliquant davantage telle que la gérance, la régie intéressée, l’affermage ou encore un marché de prestation de services.

Quel que soit le cas de figure, les règles de la transparence devaient imposer un nouvel appel à la concurrence et non pas le recours à un simple avenant. Sous réserve d’une étude plus approfondie, l’avenant n°8 du 19 décembre au traité de concession de 2002 semble illégal au regard d’un avis du Conseil d’Etat du 19 avril 2005, selon lequel un avenant ne peut entraîner une « modification substantielle des éléments du contrat tels que la durée, le prix, la nature des prestations et s’agissant des concessions, le prix demandé à l’usager ».

Enfin par ce même avenant, la CACP, autorité concédante, paraît avoir délégué pour cette opération aussi importante la maîtrise d’ouvrage à son concessionnaire. Cette délégation va conférer le caractère de droit privé aux travaux de modernisation et d’extension qui seront réalisés de ce fait par CPA ou pour son compte, en exonération de toute contrainte des règles d’appel à la concurrence imposées par le Code des Marchés Publics. Même légale, pareille pratique est plus que regrettable : elle est choquante!

Ne pouvons-nous, enfin, nous demander, en tant que citoyens et usagers, si la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise n'a pas favorisé, là encore, le Groupe Véolia, par l'intermédiaire de sa société dédiée, Cergy-Pontoise Assainissement, concessionnaire de l’usine de retraitement des eaux usées de Neuville-sur-Oise? Cela n'a pas provoqué, pour le moment, de réactions particulières de la part des "Cergypontins".

L’avenir nous dira si, les temps ayant changé, la vigilance citoyenne va se manifester et la question rebondir..
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lundi 2 mars 2009

Déclaration sur l'eau du forum Social Mondial

De l'Europe au Brésil : le Forum social mondial a émis, à Belem, une déclaration essentielle, une orientation pour une gestion responsable de l'eau, richesse vitale non privatisable. Nous pouvons aisément faire nôtre ce document de lutte citoyenne.

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Les mouvements s'occupant de l'eau, réunis à l'occasion du Forum social mondial à Belem, pensent que le modèle économique actuel a déclaré la guerre à la nature: l'eau, l'air, la terre et les forêts, et tous les biens naturels.

La crise mondiale - sociale, environnementale et économique - est également manifeste dans l'accès à l'eau et aux services d'assainissement qui est dépendant des principes économiques dans lesquels il fonctionne, en divisant l'humanité entre inclus et exclus. De la même façon, cette crise de la civilisation se manifeste par les changements climatiques. Il est donc clair que les "réponses" au chaos climatique dans le secteur de l'énergie suivent la même logique qui a conduit à la catastrophe qui compromet la qualité et la quantité de l'eau et de la vie sur la planète: les barrages, les centrales nucléaires, les plantations pour les agro-carburant. En outre, le modèle de l'agriculture industrielle à forte intensité d'entrée d'énergie fossile pollue et détruit l'eau et les sols agricoles en faisant obstacle, de ce fait, à l'indispensable souveraineté alimentaire des peuples.

Sur la base de la déclaration de Mexico nous rappelons nos principes fondamentaux:

- L'eau sous toutes ses formes est un bien commun et l'accès est un droit inaliénable de l'homme et de tous les êtres vivants. L'eau est un patrimoine des communautés, des peuples et de l'humanité et la nature: Ce n'est pas une marchandise.. Nous rejetons les formes anciennes et nouvelles de la privatisation de l'eau, y compris le partenariat public-privé, la privatisation des services d'assainissement et la gestion des entreprises publiques selon les critères d'une entreprise privée..
- Nous exigeons que chaque être humain ait le droit d'accès à de l'eau de bonne qualité et en quantité suffisante pour l'hygiène et la nutrition.
- La gestion de l'eau doit rester dans le domaine public avec la participation de la communauté exerçant son contrôle social pour faire respecter l'équité, la gestion à but non lucratif ne provoquant pas la violence dans les territoires tout en préservant le cycle de l'eau.
- Les bassins versants sont des unités de base de la gestion intégrée de l'eau, les bassins transfrontaliers doivent être gérés dans le respect des communautés, de l'environnement et du droit d'accès à l'eau pour tous.
- Nous devons assurer la solidarité entre les générations présentes et futures.

Les peuples autochtones du Brésil, réunis à Belém, ont déclaré être les défenseurs de l'eau des
rivières, lacs et mers qui ne sont pas des marchandises mais leur vie même à eux et à toute l'humanité. C'est pour cela qu'ils s'opposent aux centrales hydroélectriques et à tous les grands projets agro-industriels qui attaquent et détruisent non seulement la nature mais aussi leurs cultures et leurs modes de vie.

Dans le cadre de la défense des territoires, la lutte pour l'eau et celle pour la terre sont étroitement liées. Nous nous félicitons des progrès faits au forum Social de Belem dans l'articulation entre le mouvement pour l'eau et celui pour la terre qui va permettre de coordonner une stratégie commune et les actions futures, à la fois localement et globalement.

Nous nous félicitons également du succès de la lutte de tous les mouvements exprimé dans l'adoption des constitutions nationales de la Bolivie et l'Équateur qui définissent l'eau comme un droit humain fondamental.

Nous avons adhéré à la campagne du Comité national pour la défense de l'eau et de la vie (CNDAV) en Colombie pour un référendum sur le droit constitutionnel à l'eau.

Les mouvements réunis à Belem appellent à une mobilisation générale du 14 au 22 Mars 2009 à Istanbul et dans tous les pays pour exprimer notre forte opposition au Forum mondial de l'eau organisé par les grandes entreprises qui cherchent de nouvelles formes de marchandisation de l'eau.

Nous continuerons à exiger l'exclusion de l'eau de l'OMC et autres accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux visant à développer la libéralisation des échanges et des investissements.

Le Danube, le fleuve qui révèle l'Europe

Une recherche itinérante afin d'étudier des projets transfontaliers, effectuée par deux étudiants français, Émeline Hassenforder et Benjamin Noury, les a conduits sur toutes les voies d'eau d'Europe, en tout cas les principales. On retrouve, sur leur blog, toutes leurs découvertes, leurs réflexions, leurs photos. Leurs observations contribuent à la formation politique de leurs lecteurs.

Leur projet est fondé sur un constat :
«Il existe, dans le monde, 263 fleuves ou lacs et plusieurs centaines d’aquifères dont les bassins sont partagés entre au moins deux pays riverains ou parfois beaucoup plus ». Nous pensons, disent-ils, que l’avenir de la préservation de la ressource en eau réside dans la coopération entre les pays, les peuples, les ethnies.

La dimension internationale de la gestion de l'eau dont dépend la survie des peuples ne saurait être confiée à des organismes privés qui ne poursuivent pas des objectifs suffisamment amples.
On retrouve, sur internet, les écrits de ces deux étudiants : http://entre2o.free.fr

Ci-dessous, l'exemple qu'ils donnent du Danube et de son rôle politiquement structurant.



Le Danube aux Portes de fer en Roumanie

Le Danube
est le fleuve qui traverse le plus grand nombre de pays : 18 au total se partagent le bassin du Danube et sont associés à sa gestion (voir la carte).




Deux États sont en constante discussion pour rejoindre leurs pairs : le Monténégro et le Kosovo qui font partie, géographiquement, du bassin mais dont l’appartenance en tant qu’entité à la commission du Danube dépendra de leur reconnaissance internationale. Pas besoin d’avoir un accès direct au fleuve pour appartenir au bassin : certains pays sont seulement traversés par ses affluents, comme la République Tchèque, la Bosnie ou la Croatie. Le Danube est un des meilleurs exemples de coopération transfrontalière autour de l’eau au monde.


Même si tous les pays du Danube ne font pas encore partie de l'Union européenne (Serbie, Bosnie, Croatie, Ukraine, Moldavie, Albanie, Macédoine), tous, ou presque, souhaitent se mettre sur la voie de l’accession à plus ou moins long terme. Et pour montrer leur bonne foi, quoi de mieux que d’appliquer les directives européennes dans des domaines que même les pays membres ont de grandes difficultés à respecter ? L’UE est une ombrelle institutionnelle pour le bassin du Danube puisqu’elle a le pouvoir d’imposer les directives et régulations aux pays. C’est le cas par exemple de la Directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines, imposant aux pays le retraitement des eaux usées urbaines et industrielles.


Le Danube à Budapest


Penser la gestion de l'eau, en Europe, c'est penser constamment au drainage principal que réalise le Danube, des Alpes à la mer Noire.