Pour une gestion publique de l'eau à laquelle les usagers-citoyens puissent comprendre quelque chose...

mardi 22 novembre 2011

Danielle Mitterrand porteuse d'avenir

Nous faisons nôtre cet hommage de la Coordination Eau Île-de-France. Nous savons, depuis longtemps, et c'était l'intuition politique de Danielle Mitterrand, qu'au travers de la revendication d'un droit universel à l'eau, nous mettions en accusation ceux qui voulaient, ou même simplement acceptaient, que l'eau soit une marchandise comme une autre, gérée dans le cadre de la société de marché. Nous ne lâcherons pas cet engagement qui pose, en termes politiques, économiques, écologiques, la question de notre avenir sur cette planète. Se rappeler ainsi Danielle Mitterrand en prolongeant son action, c'est ce qu'elle aurait attendu de nous. AGLEAU

Danielle Mitterrand devait participer au forum alternatif sur l'eau à Marseille en 2012.


La Coordination Eau Île-de-France
salue avec émotion la mémoire de Danielle Mitterrand
.

Avec la Fondation France Libertés, Danielle Mitterrand a constaté très tôt que les droits humains et la défense des communautés partout dans le monde étaient liés au combat pour l'eau et a orienté son action en conséquence. Elle a grandement contribué à la diffusion des idées du Manifeste de l'eau et en particulier d'un Contrat Mondial de l'Eau. Apportant ainsi une contribution importante au mouvement alter-mondialiste naissant. Quelle audace quand on y songe ! Un engagement qu'elle a poursuivi jusqu'au bout, soutenant l'initiative d'un Forum Alternatif Mondial de l'Eau à Marseille en mars 2012. Honorant de sa présence, la semaine dernière encore, notre conférence sur les perspectives du droit à l'eau …

Et d'une façon concrète, elle a apporté son soutien aux luttes comme aux projets sur le terrain. Résistante par les discours et par les actes. Revendiquant la politique, les idées et la part d'utopie nécessaire pour changer le monde !

Que de chemin parcouru en quelques années, comme elle expliquait elle-même, des réunions confidentielles à des idées devenues majoritaires dans notre pays et dans le monde! Avec la reconnaissance du droit à l'eau et à l'assainissement par l'ONU, la re-municipalisation de l'eau à Paris ou encore le référendum victorieux contre les lois de privatisation de l'eau en Italie, ces derniers mois marquent une nette inversion de tendance par rapport à la marche triomphante de la marchandisation au cours des deux décennies précédentes. Nous sommes tristes de la disparition de Danielle Mitterrand au moment où son engagement commence à porter ses fruits. Mais nous abordons avec la confiance et le courage qu'elle nous a insufflés, la nouvelle période qui s'ouvre pour l'eau bien commun. Nous continuerons son combat !



mercredi 16 novembre 2011

Comment sortir d'une DSP

Le caractère un peu technique de l'article ici reproduit ne doit pas nous rebuter ! Il est temps de travailler à la recherche des moyens de sortir des DSP confiées, par des élus, à des organismes qui dominent, en France, et ont le monopole de la gestion de l'eau. Ouvrons donc un dossier contenant des études qui puissent nous éclairer.
AGLEAU

Par Marie-Agnès Bordonneau, Docteur en Droit privé

Dans le but clairement affiché de favoriser la concurrence entre opérateurs de services d’eau, le législateur a imposé, dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, de nouvelles obligations à l’attention des délégations de service public de service d’eau : un inventaire du patrimoine du délégant, la remise du fichier de tarification et du plan du réseau.

En effet, il ressort de toutes les études relatives à la concurrence dans le domaine de l’eau que le délégataire de service public, déjà en place, bénéficie d’une considérable « prime au sortant » qui l’avantage à l’échéance du contrat et le met en position très favorable par rapport à d’éventuel concurrents du secteur privé mais aussi vis-à-vis de la collectivité elle-même, au cas où elle envisagerait un retour à la gestion publique.


Le bénéficiaire de la délégation de service public peut en effet tirer un avantage considérable de sa position qui lui offre une connaissance parfaite du patrimoine du service ainsi que de son fonctionnement commercial. Il peut ainsi entraver d’éventuels concurrents –entreprise privée ou délégant lui-même– en ne leur permettant pas d’accéder aux informations pertinentes nécessaires pour bâtir une offre concurrentielle intéressante ou pour se préparer efficacement aux changements qu’implique un retour à la régie.

De telles pratiques sont bien sur censurées quand elles constituent une violation manifeste des règles de concurrence mais il est alors en général trop tard et le législateur a opté pour des dispositions préventives donnant un encadrement légal aux obligations du délégataire de service public à l’échéance de son engagement.

Le nouvel article L 2224 11-4 du CGCT dispose en effet que « Le contrat de délégation de service public d’eau ou d’assainissement impose au délégataire, d’une part, l’établissement, en fin de contrat, d’un inventaire détaillé du patrimoine du délégant, d’autre part, sans préjudice des autres sanctions prévues au contrat, le versement au budget de l’eau potable ou de l’assainissement du délégant, d’une somme correspondant au montant des travaux stipulés au programme prévisionnel mentionné à l’article L. 2224-11-3 et non exécutés. Le fichier des abonnés, constitué des données à caractère personnel pour la facturation de l’eau et de l’assainissement, ainsi que les caractéristiques des compteurs et les plans des réseaux mis à jour sont remis par le délégataire au délégant au moins six mois avant l’échéance du contrat ou, pour les contrats arrivant à échéance dans les six mois suivant la date de promulgation de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, à la date d’expiration du contrat et au plus tard dans un délai de six mois à compter de cette date de promulgation. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités d’application du présent alinéa, en fixant notamment les modalités de transmission des données à caractère personnel au délégant, de traitement et de conservation de ces données par celui-ci, et de transmission de ces données au service chargé de la facturation. ».

L’utilité d’une telle disposition me semble tout à fait incontestable en revanche des questions se posent sur ses modalités d’application qui ne sont pas précisées par le texte de loi et dont on attend toujours les textes d’application (imminents).

Bien que le texte n’affirme pas directement qu’il s’applique aux contrats en cours on peut le déduire sans équivoque des dispositions de la dernière partie de l’article. Celles-ci précisent en effet le sort des délégations de service public arrivant à échéance l’année suivant la promulgation du texte. Sans avoir à discuter sur le motif d’intérêt général c’est donc de la loi que l’on peut déduire l’application immédiate de ces dispositions. Mais, si l’on peut estimer que ces dispositions s’appliquent et s’appliqueront aux contrats en cours, reste l’autre question que se posent les délégants : comment imposer leur respect aux délégataires ?


Le texte prévoit en effet l’exécution de plusieurs obligations :
- l’établissement en fin de contrat d’un inventaire détaillé du patrimoine du délégant ;
- la remise du fichier des abonnés, constitué des données à caractère personnel pour la facturation de l’eau et de l’assainissement, ainsi que les caractéristiques des compteurs et les plans des réseaux mis à jour sont remis par le délégataire au délégant au moins six mois avant l’échéance du contrat. Cependant, il ne donne pas les modalités concrètes d’exécution de ces obligations renvoyant, comme il est coutume de le faire, pour cela, à des textes ultérieurs d’application ; un décret en l’occurrence.

Or, le décret d’application se fait toujours attendre alors qu’une multitude d’autres mesures d’application ont déjà été adoptées, et ce pour une bonne raison. En effet, l’article 54 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, ne constituait pas une base législative suffisante pour élaborer un texte d’application qui puisse entrer directement en vigueur. Celle-ci aurait dû caractériser plus précisément les termes « supports techniques », qui, au plan juridique, sont jugés trop imprécis et réducteurs . Le ministre de l’écologie a donc décidé d’intégrer les précisions manquantes dans la Loi portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II), afin d’assurer la sécurité des fichiers une fois qu’ils sont remis à la collectivité délégante.

Maintenant que cette base légale existe, les délégants disposent d’un fondement légal valable pour imposer aux délégataires l’exécution de leurs obligations d’inventaire. Un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL doit prochainement définir les obligations des collectivités territoriales pour la remise et la conservation des fichiers. La publication de ce décret précisera la procédure à suivre et donnera une base règlementaire solide aux délégants permettant ainsi d’éviter d’éventuels refus et contentieux.

Jusqu’alors le plus grand flou et une incontestable précarité juridique, continueront de régner sur la mise en œuvre de ces dispositions, bloquant des mises en concurrence efficaces en fin de contrat alors qu’elles sont si utiles !

http://www.eaudanslaville.fr/spip.php?article861