Pour une gestion publique de l'eau à laquelle les usagers-citoyens puissent comprendre quelque chose...

jeudi 13 mai 2010

Ça bouillonne et grenouille autour d'une émission de FR3

Une soirée qui fait du bruit : "Du poison dans l’eau du robinet" -

( Un film de Sophie Le Gall - Durée : 90’ - Diffusion : Lundi 17 mai 2010 à 20h35 sur France 3)

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Le fait de dénoncer, à juste titre, la présence massive de substances polluantes de toute nature et de toute origine dans le milieu naturel, et donc dans les eaux de surface et les eaux souterraines utilisées pour fabriquer de l’eau potable, ne doit pas conduire à opposer artificiellement eau en bouteille et eau du robinet, ni à recommander, toutes affaires cessantes, de faire l’acquisition de « filtres » ou de « carafes filtrantes », dont les seuls mérites sont de faire la fortune des petits, et gros, malins qui les commercialisent…

Un livre hilarant, mais le poison, dans l'eau à boire, ce n'est pas drôle du tout !

Les eaux embouteillées, « minérales » ou « de source », proviennent de sources ou de nappes profondes, peu ou pas encore polluées, mais qui finiront par l’être tôt ou tard, à mesure de la propagation des substances polluantes en provenance de la surface dans le sous-sol.

Les villes reçoivent dans une très grande majorité une eau du robinet de bonne, voire de très bonne qualité, soit parce que leurs captages ne sont pas trop pollués, soit parcequ’ils sont bien protégés depuis longtemps, comme à Lons-le-Saunier par exemple.

Et surtout parce qu’elles ont mis en œuvre, qu’il s’agisse d’un service en régie publique ou d’un service confié à une entreprise privée spécialisée du secteur, comme Veolia, Suez et Saur, des techniques de fabrication de l’eau potable adaptées à la qualité des eaux brutes que l’on utilise pour la produire.

Le problème c’est que ces technologies de traitement doivent être de plus en plus sophistiquées, et donc de plus en plus coûteuses, puisque les eaux de surface ou souterraines utilisées pour fabriquer de l’eau potable sont de plus en plus polluées, par des produits d’origine agricole comme les pesticides, mais aussi par toutes les substances chimiques que nous rejetons dans l’environnement, ainsi que les résidus de médicament, et enfin par les innombrables sous-produits de leur dégradation progressive dans l’environnement, appelés « métabolites ». Sans parler des « effets cocktail » induits par la décomposition-recomposition de ces milliers de substances…

Alors c’est vrai, il y a une énorme différence de la qualité des eaux brutes, qui entraîne d’énormes différences de traitement. Si l’on utilise une eau pure qui vient des Alpes comme à Grenoble, on peut quasiment se borner à la filtrer sur un lit de sable avant qu’elle ne soit potable.

En revanche, si on utilise une eau brute qui est très fortement polluée par des produits phytosanitaires, des métaux lourds, des médicaments…, il faudra déployer toute une gamme de traitements, jusqu’à l’ozonation, les ultra-violets, l’osmose inverse, l’ultra-filtration, et rajouter aussi du chlore supplémentaire, pour vérifier que l’eau produite ne se dégrade pas lorsqu’on l’achemine jusqu’au robinet du consommateur, parceque les canalisations ne seraient pas en bon état…

Et là il y a un vrai problème aujourd’hui : une collectivité importante pourra se payer une nouvelle usine qui va utiliser ces traitements, mais çà va coûter facilement 3 à 5 millions d’euros pour une ville de 10 000 habitants, et donc les petites communes rurales, par principe les plus polluées par les pesticides par exemple, ne pourront pas s’en doter…

On ne peut donc pas généraliser. Ce qui est sur, c’est qu’on est en droit, puisque c’est ce que prévoit la réglementation, d’exiger une eau de qualité qui coule au robinet en étant conforme aux normes de potabilité, et qui coûte accessoirement de 30 à 200 fois moins chère que l’eau en bouteille !

D’ailleurs, en dépit des affirmations d’un marketing très au point, l’eau en bouteille pollue aussi, tant au stade de sa fabrication (filtration, dégazage, minéralisation…), qu’ensuite par l’impact de son emballage et de son transport.

L’important c’est donc de ne pas se tromper complètement de débat, en opposant, comme c’est la facilité, l’eau en bouteille à l’eau du robinet.

Une eau de qualité, on l’obtiendra à un coût supportable le jour où l’on se décidera à prendre à bras le corps le problème de la dégradation continue des ressources en eau brute, qui sont aujourd’hui gravement polluées essentiellement par des produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture, et par les rejets de milliers de produits chimiques dans l’environnement naturel, dont on connaît encore très mal l’impact sur la santé humaine, en dépit du lancement de nombreux programmes de recherche ces dernières années, en France et en Europe.

Nous aurons une eau de qualité à un prix raisonnable le jour où nous aurons une agriculture et une chimie de qualité, qui ne polluent pas l’environnement de manière déraisonnable.

Mais il y a un prix à payer, celui de l’évolution d’un modèle agricole productiviste vers un autre agriculture respectueuse de l’environnement. Et il ne faut pas se raconter d’histoires. Il n’y a pas d’un côté les méchants agriculteurs pollueurs et de l’autre les gentils écolos ! Nous sommes tous peu ou prou responsables de cette dérive vers le productivisme, ne serait-ce que parce que nous n’avons suffisamment combattus les gouvernements qui ont tous laissé faire depuis 50 ans.

Accompagner le monde agricole vers un nouveau modèle, ça concerne tout le monde, et on va tous devoir y contribuer, y compris financièrement.

Pour l’instant, hélas, nous préférons nous voiler la face et combattre la pollution de l’eau, ce qui a un coût exorbitant, au lieu de la prévenir, comme l’a dénoncé en février dernier un rapport très sévère de la Cour des comptes sur la politique de l’eau française.



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