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mardi 8 juillet 2008

Le Canard enchaîné barbote dans la mare du SEDIF

L’audit qui dénonce les ruisselants profits d’un marchand d’eau
Par Jérôme Canard
ANDRÉ SANTINI, secrétaire d’Etat à la Fonction publique, est un grand amateur de plaisanteries, mais certaines histoires d’eau lui font perdre tout humour.

Défenseur acharné de la gestion privée de la flotte, le patron de l’énorme Syndicat des eaux d’Ile-de-France (le Sedif, 144 communes et 4 millions d’habitants desservis) a failli avaler son cigare en recevant, début juin, une enquête - la troisième en deux ans - de l’association UFC-Que choisir, qui devrait la rendre publique en septembre.

Preuves à l’appui, l’étude conclut que Veolia, auquel le Sedif a délégué la production et la distribution de l’eau des 144 communes, réalise des profits débordants (sans équivalent dans l’Hexagone) sur le dos des Franciliens. Et que 30 % des charges que le groupe facture au Syndicat des eaux - soit 91 millions d’euros - sont parfaitement contestables.

Jusqu’à plus soif

Pour devancer les accusations de partialité, l’association s’est appuyée sur plusieurs rapports de la Cour des comptes, des enquêtes de l’Insee, des études du ministère de l’Ecologie et... sur les propres chiffres de Veolia que le Sedif avait communiqués à l’UFC-Que choisir en février dernier, lorsque le syndicat contestait la précédente enquête sur son compte.

L’association de consommateurs aussi déniché une récente note d’analyse financière, rédigée le 20 mai dernier, par les experts du Crédit agricole sur Veolia. « Le président du syndicat qui dirige l’activité (du Sedif) est un homme politique favorable aux groupes privés », indique cette note, dans un style très Wall Street. « Favorable » est bien le mot : le contrat Sedif présente un taux de rentabilité trois à quatre fois supérieur à celui de Veolia ! Une vraie « vache à lait » pour le groupe, commente l’UFC-Que choisir.

Premier poste de dépenses étudié, le coût d’entretien du réseau. Selon un récent document de référence du ministère de l’Ecologie, et compte tenu du nombre de kilomètres de tuyaux, la facture devrait avoisiner les 12 millions. Or elle dépasse... 75 millions. L’association admet que les estimations ministérielles sont un peu chiches et qu’il faut mieux prendre en considération l’entretien des compteurs. Mais le super-bénéfice réalisé sur ce poste, conclut-elle, atteint aisément 40 millions.

L’enquête signale aussi toute une série de dépenses affichées par Veolia, alors que le syndicat des eaux prévoit lui aussi un budget spécifique pour ces mêmes frais. Une sorte de double peine pour l’usager. Ainsi, le marchand d’eau annonce 1,9 million de « dépenses de communication ». Manque de bol, le Sedif y consacre lui-même 2,9 millions. Ces étranges doublons atteignent, selon les enquêteurs, près de 13 millions, dont 6,3 en mystérieux « frais de structure ».

Drôles de cas d’eau

S’ajoutent à ces gâteries une rémunération exorbitante du groupe Veolia (18 millions d’économies possibles) et des travaux réalisés à prix d’or sur le réseau. Ainsi, un mètre de nouvelle canalisation est facturé entre 452 et 650 euros, au lieu de 405 à Lyon et 270 à Lille. Tandis qu’un branchement revient à 2776 euros l’unité, contre 1140 à Paris, qui n’est pas membre du Sedif.

Prudent et courtois, l’UFC-Que choisir tient à préciser que ces critiques « ne portent en aucune façon sur des questions de corruption ou sur toute autre malversation ». Façon de souligner que les marchands d’eau, aujourd’hui, ont souvent renoncé à leurs méthodes d’hier, lesquelles ont connu de tristes suites judiciaires, comme à Grenoble, Lyon ou Strasbourg.

Contacté par « Le Canard », sur cet audit, André Santini a, pour sa part, indiqué qu’il ne pourrait pas lui répondre avant... jeudi, lendemain du jour de la parution du journal. Vraiment pas de chance.

Source : Le canard enchaîné

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