Pour une gestion publique de l'eau à laquelle les usagers-citoyens puissent comprendre quelque chose...

vendredi 26 février 2010

Service public de l'eau : récupéré ou reprivatisé ?


L'article ci-dessous, paru le 28 janvier 2009, vieux d'un an donc, éclaire de façon éblouissante, la différence d'approche de la ville de Paris et de l'Agglomération de Cergy-Pontoise, pour ce qui est de la gestion de l'eau ! Nous regrettons de n'avoir pas, plus tôt, contribué à faire connaître, aux usagers cergypontins, ces prises de position politiques ayant conduit, soit à retirer, soit à reconfier, la gestion du service public de l'eau, à Veolia !

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Anne Le Strat et Dominique Lefèbvre

La gestion de l’eau, in ou out ?

Le débat a largement animé les dernières élections municipales de 2008 : il est des villes où la gestion des services d’eau en régie est manifestement performante et d’autres où la gestion privée apparaît plus efficace. Reste que, selon l’IFEN, 39% des eaux de surfaces et 21% des eaux souterraines font toujours l’objet de pollution par des pesticides alors que la directive européenne sur l’eau prévoit que le bon état chimique, quantitatif voire écologique des eaux soit atteint en 2015… Le débat engagé dans le magazine Actions Communes ("le carrefour des décideurs locaux" de la Caisse d'Épargne) se poursuit sur le webzine (sur internet, donc), entre Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris, chargée de l’eau, de l’assainissement et de la gestion des canaux, et Dominique Lefèbvre, Président de la Communauté d’agglomération Cergy Pontoise et maire de Cergy.


Contrat de délégation ou établissement public local, quel principal argument a motivé votre choix pour assurer le service d’eau potable de la ville ?

Anne Le Strat : D’abord parce que nous considérons que l’eau n’est pas un bien comme les autres et ne doit pas, par principe, constituer une rente économique pour des actionnaires privés. En outre, le bilan de cette gestion déléguée a montré de nombreuses défaillances : perte de la connaissance du réseau, perte de la maîtrise du service, rente de situation, tarifs élevés, opacité, sous-investissement… La réforme mise en œuvre correspond donc, tout à la fois, à une décision politique et à une décision de gestion. Elle vise à offrir aux Parisiens la meilleure eau au meilleur prix. Les gains économiques de la réorganisation du service doivent nous permettre de stabiliser la part de la facture que nous maîtrisons. Cela s’entend sur toute la durée de la mandature et sans indexation sur l’inflation, ce qui signifie en réalité une baisse relative de la facture d’eau potable. Pour mémoire, dans le cadre du système en place jusqu’alors, ce prix au mètre cube avait augmenté à Paris de 260 % depuis 1985 !

Dominique Lefebvre : Il s’agit tout simplement d’un choix réaliste. Contrairement à Paris, nous n’avons aucune structure publique antérieure existante sur laquelle nous appuyer, et répondre à des enjeux aussi importants que la sécurité et l’approvisionnement en eau n’était pas envisageable dans ces circonstances. Monter de toutes pièces une régie de service public aurait nécessité de mobiliser une très grande partie des ressources humaines mieux occupées à gérer d’autres enjeux de politique publique. Nous étions en outre confiants dans notre capacité à négocier car la mise en synergie des 165 000 abonnés de l’agglomération représente un énorme contrat pour les opérateurs privés mis en concurrence. Nous avons préféré nous entourer de financiers, de juristes et de techniciens compétents pour relever le défi d’examiner les problèmes de clarté des marges et de niveau de rémunération des opérateurs, plutôt que de gérer au quotidien les 65 000 foyers de Cergy-Pontoise. Le calcul est simple : mieux vaut un contrat de DSP bien rémunéré parce que performant qu’une régie absolument dépourvue de la culture de l’eau.


Comment avez-vous intégré les remarques de la société civile dans vos décisions ?

Anne Le Strat : Notre réforme souhaite placer l’usager au cœur du service de l’eau, afin qu’il puisse totalement se réapproprier les enjeux qui y sont liés. Des représentants de la société civile, qu’ils soient scientifiques, représentants associatifs ou usagers, seront présents dans les instances dirigeantes de l’établissement public que nous créons. Cette nouvelle gouvernance participe aussi de la transparence du système. Et, dans les études lancées par la Ville préalablement à la réforme, les attentes des usagers notamment avaient été largement recensées.

Dominique Lefebvre : La commission consultative des services publics locaux où la société civile est représentée a été consultée. Les associations de consommateurs affiliées aux centrales syndicales (CGT, FO et CFDT) ont toutes voté en faveur de ce contrat de délégation du service public d’eau potable. Personne ne peut contester la performance des acteurs privés sur le plan de la recherche et, une fois encore, les enjeux sanitaires sont importants. Nous avons fixé à Veolia trois objectifs majeurs que sont un programme ambitieux de renouvellement du patrimoine pour sécuriser l’approvisionnement permanent du réseau en eau de qualité, l’élaboration d’une stratégie qui privilégie les ressources propres à la communauté d’agglomération et donc son indépendance, et la mise en place d’une tarification unique à la baisse sur l’ensemble de l’agglomération assortie d’une maîtrise de l’évolution du prix de l’eau.


Comment l’intercommunalité influence-t-elle vos choix dans les décisions afférentes à la gestion de l’eau potable?

Anne Le Strat : La décision de retrouver la maîtrise publique de notre service de l’eau reste avant tout une décision parisienne. Pour autant, l’UFC Que Choisir a posé, à raison, la question de la mutualisation de certains outils de production à l’échelle de l’agglomération. En effet, les infrastructures existantes ont été conçues à une époque de consommation d’eau potable nettement supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui, puisqu’elle a chuté de 25 % sur ces deux dernières décennies. Et les enjeux liés à la question de l’eau, comme la protection de la ressource, n’obéissent pas à des logiques de cloisonnement administratif et géographique.

Dominique Lefèbvre : La logique intercommunale a conduit à la fusion des neuf contrats antérieurs des neuf syndicats de gestion de l’eau existant préalablement au passage au statut de communauté d’agglomération en 2004. Il y avait alors 18 prix de l’eau différents avec des inégalités injustifiées et inexplicables. Cette mutualisation a conduit à des augmentations de prix dans certaines communes, mais d’autres ont vu leur prix baisser de 33 % ! Et, au final, avec la nouvelle délégation, c’est une baisse de 10 à 15 % du prix de l’eau qui sera effective au 1er janvier prochain. Nous sommes convaincus que cette tarification unique accompagnera les efforts des usagers en matière d’économie d’eau.


Quel plan de communication avez-vous adopté pour annoncer votre décision aux citoyens ?

Anne Le Strat : Le plus large possible puisque ce projet de réforme a été présenté dans le cadre de la campagne des dernières élections municipales ! Plus sérieusement, la mise en œuvre va en effet aussi reposer sur des moyens d’information des usagers totalement repensés. Nous sommes en train d’y travailler activement. L’eau est un sujet qui intéresse au plus haut point les citoyens et nous devons être à la hauteur de cette attente.

Dominique Lefèbvre : Dès le début de l’année prochaine, tous les usagers du service public de l’eau vont être individuellement informés des dispositions de ce nouveau contrat, d’autant qu’un effort important de soutien aux économies d’eau est prévu dans le cadre de ce contrat. Responsabiliser les usagers sur l’utilisation de cette ressource rare et donc forcément chère est un impératif de développement durable, mais aussi dans une agglomération aussi populaire que Cergy-Pontoise un objectif pour la préservation du pouvoir d’achat des familles.

Paru sur http://webzine.actionscommunes.fr/la-gestion-de-leau-in-ou-out/
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