Pour une gestion publique de l'eau à laquelle les usagers-citoyens puissent comprendre quelque chose...

dimanche 29 mars 2009

L'eau sur Terre : des chiffres qui tuent?

Après le Forum mondial de l’eau d'Istanbul : il y a obligation de penser et d’agir ensemble.

C’est désormais un truisme que de décliner la gestion de l’eau comme une problématique majeure en ce début de XXIe siècle. Politiciens, scientifiques, associations et autres journalistes ont fait pot commun autour de la thématique générale et ambitieuse Bridging Divides for Water, (établir des passerelles entre nos divergences), à Istanbul.

Quelques chiffres explicites permettent de poser le débat sur les bases communes d’une objectivité a minima afin de pouvoir mesurer l’ampleur colossale du problème soumis à l’humanité toute entière.

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Parmi les chiffres effarants :

• de 900 millions à 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable ;
• 2,5 milliards n’ont pas d’installations d’assainissement (85% des eaux usées sont rejetées directement dans la nature);
• 8 millions d’humains décèdent annuellement à cause du stress hydrique, soit 10 fois plus que les guerres;
• 8% de l’eau douce sont consacrés aux usages domestiques, 22% à l’industrie et 70% à l’agriculture.
• En matière de disparité, il faut se rappeler qu’un Californien consomme 600 litres d’eau par jour, un Japonais en consomme 350, un Européen 200, alors qu’un Africain n’en consomme qu’entre 10 et 20 litres.

N'oublions pas encore les travaux de Tony Allan, concernant la notion désormais fondamentale d’eau virtuelle -celle qu’on ne voit pas mais que l’on consomme- ce qui renvoie aux quantités d’eau nécessaires à la production d’un bien de consommation, qu’il soit alimentaire ou industriel [1].

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Et tout cela ne prend pas en compte l’immense gabegie de la précieuse ressource, notamment dans le domaine agricole [2], qui confère à cet ensemble de chiffres un aspect parfaitement vertigineux.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes et nous renvoient à la notion d’injustice poussée à son paroxysme par le mésusage absolu de l’eau. Si personne n’osera contester ces données, soulignons toutefois que chacun devrait impérativement les mémoriser afin que cela influence la gestion quotidienne de sa propre consommation hydraulique.

Il ne faut plus attendre d’avoir soif pour apprendre l’eau [3] car l’humanité ne peut plus se le permettre. Alors que des millions d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants, consacrent plus de trois heures par jour à recueillir le précieux liquide, d’autres ne mesurent même plus l’aspect vital de ce dernier, et ont des comportements façonnés par une irresponsabilité quasi criminelle dans les cas les plus extrêmes.


Dans ce sens, il est parfaitement légitime de se projeter dans l’avenir, notamment lorsque, parvenus au milieu de ce siècle nous serons 9 milliards d’êtres humains à peupler la planète, alors que la demande en eau devrait croître de 64 milliards de m3 par an, selon les prévisions faites par l’ONU.

Il y a là une source importante de contentieux entre les peuples, qui peut, à l’évidence, engendrer nombre de conflits ouverts liés à la conquête du liquide vital. L’homme doit se raisonner afin que les solutions soient négociées le plus en amont possible pour devancer les tensions qui pourraient se faire irréversibles. À titre d’exemple, la situation au proche-orient reste emblématique et illustre avec vigueur le propos [4]. Ainsi Mahmoud Abbas a-t-il rappelé, dans un message délivré à l’attention des participants au forum d’Istanbul, que ce problème aigu ne peut attendre la signature d’un accord de paix tant la conjoncture en Palestine est préoccupante. Un Israélien consomme 4 fois plus d’eau qu’un Palestinien. Lorsque la Palestine sera un État à part entière, elle ne manquera pas de ratifier la convention de l’ONU de 1997 (ce que la France n’a pas encore fait) sur les cours d’eau transfrontaliers, texte à ce-jour encore inappliqué[5].

La gestion de la ressource première oblige enfin à aborder le sujet particulièrement épineux de la corruption dans le domaine de l’exploitation de l’eau. Point notamment développé par le rapport mondial des Nations Unies -3e édition- intitulé « l’eau dans un monde qui change »[6] qui indique que, dans certains pays, 30% des budgets consacrés à l’eau feraient l’objet de détournements.



En outre, la corruption a pour conséquence directe de grever les investissements prévus pour atteindre les « Objectifs du Millénaire » pour le développement relatif à l’eau dont le coût total est évalué à 50 milliards de dollars.

Bien évidemment, les débats se seront aussi attardés sur le réchauffement climatique de la planète, élément qui ne pourra avoir que des conséquences délétères supplémentaires sur un avenir déjà bien sombre quant à la gestion de la ressource en eau. S’il est une chose acquise, c’est que ce liquide ne pourra que se faire de plus en plus rare et précieux dans un avenir proche.

Il convient à chacun de réaliser cela, notamment nous, devenus des "nantis hydriques"! Sans plus attendre, il est de toute première importance que nous réalisions l’urgence de la situation afin de sortir du mythe de l’abondance dans lequel nous avons grandi, de mesurer que chaque jours des milliers d’êtres périssent par manque d’eau, alors que d’autres pataugent dans des piscines individuelles assassines. Notre relation à la ressource en eau doit être totalement modifiée et replacée dans une perspective globale. S’il est un bien commun que nous devons apprendre à gérer et à partager au mieux, c’est bien l’eau, cette pierre angulaire du vivant.

D'après http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=53402

[1] La notion d’eau virtuelle :
http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag/eh/f/cause/lectures/le_concept_d%27eau_virtuelle.htm
http://www.larecherche.fr/content/recherche/article?id=23495

[2] http://blog.mondediplo.net/2008-02-01-Eau-agriculture-et-pollution-espoir-ou-impasse

[3] En rapport avec les propos d’Émilie Dickinson « c’est par la soif qu’on apprend l’eau »
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/dickinson.html

[4] L’appropriation des ressources hydrauliques par Israël
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=6151

[5] La "Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation" a été adoptée par l'assemblée générale des Nations unies en mai 1997. Pour entrer en vigueur, ce texte doit être ratifié par 35 Etats. Seuls 16 l'ont fait à ce jour.
http://www.romandie.com/infos/news2/090309140805.h52h2vqi.asp

[6] Rapport mondial « l’eau dans un monde qui change », présenté en introduction au Forum d’Istanbul par le directeur général de l’UNSECO, Koïchiro Matsuura.
http://cdurable.info/L-eau-dans-un-monde-qui-change-Chiffres-cles-du-rapport-des-Nations-Unies-2009,1590.html

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